FOUILLE DU "Môle Antique" de port la Nautique à Narbonne

Etang de Bages & Sigean

Reconstitution du site à la période Antique (Déssin JM Falguéra)
Reconstitution du site à la période Antique (Déssin JM Falguéra)

 

Historique de la découverte :

Un certain nombre d'indices relevés depuis une dizaine d'années lors des sondages réalisés dans la zone du port qui appartenait à cette époque là, à la SMC (Société Marseillaise de Crédit).

Nous faisait pressentir l'existence possible d'une structure bâtie submergée.

 

  • 1989

Trois blocs de pierre de forme parallélépipédique apparaissent lors d'un dragage du chenal du port de la SMC

 

  • 1992

Deux autres blocs de pierre taillés sont découverts lors de dragages profond dans le même chenal

 

  • 1997

De nouveau, deux blocs seront remontés dans les dragages. Ceux-ci présentent également des encoches et des découpes en queue d'aronde et sont taillés dans le même calcaire coquillier fin que les précédents, laissant penser à une relation entre eux.

 

  • 1998

La fouille de sauvetage réalisée à l'intérieure de la fosse profonde ouverte lors du dragage de l'année précédente apportera des indices complémentaires.

Des éclats de roche calcaire portant des traces d'outil sont relevés dans la stratigraphie.

Leur relation avec les blocs provenant des dragages est évidente.

En outre, l'ouvrage hors d'eau de la jetée moderne en bêton à droite du port de la SMC présente de part et d'autre, deux importantes fissures de plusieurs centimètres montrant que le quai s'est affaissé et révélant la présence d'un môle dense en substruction soutenant la partie centrale de l'ouvrage moderne dans sa construction initiale.

Tous ces indices nous ont engagés à mener une prospection systématique de cette zone, réalisées par piquetage au moyen de tiges d'acier sondant le lit de la lagune.

 

  • 1999

L'anomalie constatée dans l'aspect du quai moderne de la SMC, a orienté notre prospection vers les zones proches dans l'étang et le canal d'accès au port.

Le piquetage révélera la présence d'un vaste talus de pierres s'étendant dans l'axe du quai moderne et dont la largeur correspond approximativement aux fractures visibles dans le béton du quai.

Dans la partie centrale du talus, certains blocs émergent sensiblement des vases. Un bloc de grande taille, très érodé est apparent sur plusieurs dizaines de centimètres de hauteur. Sa position correspond à la limite ouest du talus.

Située à environ 150m de l'ancien rivage, la partie nord de cette structure est recouverte par la maçonnerie moderne du quai de la SMC. Au sud, partiellement dégagée en surface, elle présente sur trois côtés limités par deux angles à 90. Sa largeur est de 8.80m.Sa longueur s'oriente approximativement sur un axe nord-sud. Le côté est a été dégagé sur 3 m, le côté ouest mesure environ 9,70m.

Le parement périphérique de la construction est réalisé en grand appareil. Les blocs sont assemblés au moyen de clés de bois logées dans des découpages en queue d'aronde. Tous sont de forme parallélépipédique respectant un alignement structurel mais non symétrique. Reconnu en différentes parties de la construction, un alignement de bastaings de bois disposés face contre face très régulièrement ceint la construction. La configuration de cet assemblage formant un caisson de bois de 35 cm d'épaisseur.

Un sondage profond réalisé jusqu'à -2,80m occupant une surface de 1,50m x 1,50m puis se réduisant à moins d'1m², situé à l'angle sud-est de la construction a permis de reconnaître une stratigraphie induisant certaines observations et questions :

 

  1. La détermination de la fin de l'activité du port.
  2. Les circonstances de l'épierrement ou destruction de la construction.
  3. La présence de vestiges corroborant l'écroulement d'une construction surmontant l'ouvrage.
  4. La présence d'une couche épaisse de vase argileuse consécutive à un comblement massif de la lagune par le fleuve Atax à une période qui reste à définir au cours du 1er siècle de notre ère.
  5. La reconnaissance de niveaux anthropiques en relation avec l'activité du port et de la construction.

 

  • 2000

Les observations relevées au cours de ce second sondage confortent certaines des hypothèses émises en 1999.

Un sondage réalisé sur le terre-plein moderne l'axe de la construction a révélé F absence de celle-ci en direction du rivage. La probabilité que la construction soit un môle en pleine eau se confirme.

Des précisions ont été apportées sur son architecture en grand appareil. Six assises de blocs sont encore en place dont la plus profonde repose à - 2,60 m sous le lit de l'étang. Le parement est constitué par deux rangées de blocs parfois maintenus par des clés en bois insérées dans des découpes en queue d'aronde taillées la pierre. Son épaisseur, relevée après le dégagement superficiel de l'assise supérieure, mesure environ 1,50 m.

Nous avions évoqué en 1999 une éventuelle origine d'extraction des blocs sur l'île de Sainte Lucie. Des indices avérés indiquent que des blocs en réemploi ont été utilisés cet appareillage. Des traces de mortier de chaux sont encore visibles sur certaines surfaces et sur des éclats. Leur utilisation dans une construction antérieure devrait être confirmée avec la progression des recherches.

 

Le dégagement partiel de 1 "alignement des poutres, mené sur une petite surface en 1999, a été approfondi et prolongé sur 2 mètres supplémentaires. L'assemblage de bois a pu être suivi jusqu'à l'assise de blocs la plus profonde, à -2,60 m sous le lit de l'étang, sans pouvoir atteindre la base des poutres.

L'hypothèse d'un caisson étanche, suggérée par les fouilles de 1999, doit être abandonnée.

Même correctement positionnées, les poutres laissent des espaces entre elles ne pas d’obtenir une étanchéité. Leur positionnement s'est vraisemblablement réalisé en pleine eau et a défini les dimensions de la construction en grand appareil. Les blocs formant les premières assises de la construction avoir été immergés, par le caisson que, forme l’assemblage de poutres.

La stratigraphie révèle que l'espace intérieur du caisson en bois a été creusé sur environ î mètre de profondeur pour asseoir vraisemblablement les premiers blocs sur des couches plus denses que le lit de l'ancienne lagune encombré de débris d'amphores au moment des travaux (US 13).

Dans les 2,60 m de la coupe du sondage, on relève 18 unités stratigraphiques. Les premiers niveaux concernent la destruction, du môle qui a subi semble-t-il, un démontage des assises supérieures au cours de la deuxième moitié du Ier siècle de notre ère. Dans les niveaux inférieurs, se juxtapose à la précédente une dispersion de tuiles et de moellons enduits de mortier de chaux qui pourrait matérialiser la présence d'une construction en en élévation sur le môle. Sa fonction le contexte portuaire ne peut, au vu des éléments mis au jour, être actuellement définie. Une dégradation ancienne du môle pourrait être matérialisée par la présence d'une couche de graviers, relevée dans FUS 9 et présente également sur les blocs de l'assise supérieure encore en place, provenant peut-être du comblement intérieur du parement en grand appareil Un sondage réalisé dans ce comblement pourrait apporter des informations plus précises.

  •     2002

Le réemploi des grands blocs pour l’édificationdu parement du môle a nécessité un réajustement de certains d'entre eux. Ces travaux ont généré un lit d'éclats matérialisé dans l’US 11. Ce niveau est un             déterminant de la stratigraphie puisqu'il révèle la période de mise en œuvre de l'ouvrage que l'on       située aux environ du changement d'ère.

 

Antérieure au début des travaux de construction, l'activité portuaire du site la plus représentative par l'abondance du matériel mis au jour (US 13), est matérialisée par des fragments d'amphore Pascual 1, Haltern 70 et Dressel 7-11 provenant d'importations ibériques de Tarraconaise et de Bétique. Les productions italiques sont faiblement représentées dans ce niveau par quelques tessons de céramiques sigillées.

 

Plusieurs phases de comblement ont généré d'épaisses couches de sédiment argileux» vierges d'éléments anthropiques, pouvant révéler un envasement bref et massif. La plus importante par son épaisseur (US 10), que l'on peut cadrer au cours du Ie siècle de notre ère, pourrait s'être formée en quelques décennies. Un niveau complexe (US 14 à 16) positionné entre deux dépôts anthropiques distincts relatifs à des activités portuaires, semble avoir eu une formation beaucoup plus longue et se distingue par l'absence de composants anthropiques significatifs.

 

Cette observation pose le problème de l'existence du port pendant une période comprise entre le milieu du IIe siècle av. J.-C, et la deuxième moitié du F siècle av. J.-C. Pendant cette période, l'activité commerciale semble inexistante, du moins pour ce qui concerne les éléments du sondage. Les événements géopolitiques de cette période ont-ils modifié les fonctions commerciales du port précolonial ? La question vient s'ajouter aux nombreuses autres restées encore en suspens.

 

La campagne de fouille n'aura pas permis la mise au jour d'indices précis relatifs à la fonction de la construction dans le contexte portuaire antique.

Son dégagement superficiel sur environ 50 m2, conforte l'hypothèse du démantèlement volontaire jusqu'à l'assise 6 et en partie l'assise 5. La recherche devra donc s'orienter vers l'étude stratigraphique des différents dépôts dispersés à la périphérie de la construction. Son extension a pu être reconnue côté ouest sur plus de 15 m de longueur vers le nord jusqu'au pied du quai moderne sous lequel elle est ensevelie. La fissure qui se creuse sur ce dernier coïncide exactement au prolongement de la construction antique sous le béton. Une fouille pourrait être envisagée en terrestre sur le terre-plein. Une série de petits carottages, réalisée au travers du comblement moderne permettraient de localiser précisément l'emplacement d'un prochain sondage mené pour mettre au jour la limite nord de la structure et son hypothétique quatrième côté.

Les résultats de la fouille confirment l'utilisation de blocs en réemploi.

La spoliation d'un ouvrage à caractère monumental parait évidente si l'on considère la taille importante des blocs et la découverte d'éléments architecturaux ouvragés (bossages, moulures). L'utilisation des blocs dans une structure antérieure est attestée par la présence sur certaine de leurs faces de mortier de chaux.

La mise au jour d'un deuxième coffrage en bois à l'intérieur du premier découvert en 2000, permet de rétablir le positionnement bien distinct des différents composants dispersés après le démantèlement.

Dans le coffrage que forment les palissades extérieure et intérieure, sont superposées six assises

de blocs dont la plus grande partie est toujours en place. Les blocs de l'assise 6 supérieures ont été bloqués en connexion par des clés en bois. Les espaces restant vide entre les blocs et la palissade intérieure ont été comblés par des blocs fragmentés et des éclats.

La partie centrale de la construction délimitée par le coffrage intérieur a été comblée par des galets et des graviers.

Le talus relativement important qui surplombe l'assise 6 indique qu'une partie de l'élévation de l'ouvrage était composée des mêmes matériaux.

En l'absence totale de liant hydraulique, l'architecture en bois constitue la principale ossature de l'ouvrage. L'état remarquable de la conservation de cette armature permet d'en définir tous les détails. Le choix d'une telle architecture devait répondre à la spécificité du milieu lagunaire local constitué par un lit de vase argileuse instable.

 

  •        2004

La construction antique, qui se signale sous le quai moderne par une déformation significative de ce dernier, a été localisée grâce au creusement de puits traversant une ancienne dalle en béton qui couvre près de la moitié sud du terre-plein du quai de la Société Marseillaise de Crédit. Sur la dizaine de forages réalisés, un seul au sud-est de la surface dégagée a révélé une résistance suffisamment grande à -1,40 m (profondeur moyenne des blocs mis au jour dans l'étang) pour motiver l'agrandissement de la fouille.

Quatre niveaux composent ce terre-plein : une couche de terre extraite du rivage, une dalle en béton, un enrochement constitué de blocs calcaire et une épaisse couche de vase issue des dragages du port. Cet ensemble de plus de deux mètres d'épaisseur repose sur l'ancien lit de l'étang. Son dégagement a été réalisé, dans les premiers niveaux, au moyen d'une pelle mécanique puis manuellement et, plus profondément, avec le matériel nécessaire aux fouilles subaquatiques.

Les premiers madriers de la construction romaine étaient pourtant là, à la verticale de la maçonnerie moderne. Leur dégagement, sur une longueur de 3,80 m, a permis de retrouver l'angle nord-est du coffrage de bois antique et de suivre le côté est de la construction sur 1 m de longueur. L'angle nord-est est distant de 22 mètres de l'angle sud-est ; il définit la configuration quadrangulaire de ce môle, ceinturé sur ses quatre côtés par un coffrage de madriers de section rectangulaire et aux paramètres relativement constants (larg. 0,34 m ; épais. 0,14 m).

Sur ce côté nord, des pieux de section circulaire de 0,20 m de diamètre en moyenne, viennent s'intercaler entre les madriers. D'autres ont été positionnés en retrait, prenant appui sur les blocs à l'intérieur du coffrage, déviant ainsi la position des madriers vers l'extérieur de la construction. Il semble évident que postérieurement, une architecture en bois ait été ancrée sur le premier ouvrage. Cet aménagement est sans doute à mettre en relation avec la présence vers le nord, à l'extérieur de la construction, d'un alignement de trois rangs de madriers plantés verticalement et parallèles au coffrage. Ces trois alignements de madriers, partiellement dégagés, se prolongent vraisemblablement vers l'ouest et plus hypothétiquement vers le nord.

Il semble que nous soyons en présence des vestiges des piliers d'un quai en bois dont la largeur (non reconnue) semblable à celle de la construction en grand appareil, pourrait relier le môle au rivage.

En dépit des difficultés de visibilité causées par les conditions de fouilles, un certains nombre d'unités stratigraphiques relatives aux activités portuaires, au comblement sédimentaire et à l'historique de la construction ont pu être mis en évidence. Les similitudes sont manifestes avec les données obtenues dans les précédents sondages, confirmant ainsi les premières observations.

FIlm ANTEAS " LE MÔLE ANTIQUE DE PORT LA NAUTIQUE " 1999 - 2004

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Le quai s'est affaisé et révéle la présence d'un ouvrage en substruction

Piquetage au moyen de tiges d'acier